[Critique] Niagara : frères qui roulent ramassent les doutes

Malgré ses faiblesses, Niagara marque une nette progression par rapport à ce que Guillaume Lambert avait montré avec Les scènes fortuites.

Niagara de Guillaume Lambert - sur la photo : François Perusse, Eric Bernier et Guy Jodoin, trois frères qui se retrouvent à la mort de leur père.
Niagara de Guillaume Lambert – François Perusse (g.), Eric Bernier (c.), Guy Jodoin (d.) – Entract Films

Que ce soit sous forme de comédie, de drame ou de récit initiatique, les retrouvailles familiales suite à la mort d’un proche parent ont été traitées de long en large. Au vu des nombreux longs métrages de fiction québécois récents ayant abordé le sujet, on pourrait même parler d’un thème éculé. Guillaume Lambert ajoute sa voix au concert avec Niagara, son deuxième long métrage empruntant la forme du road movie, autre composante bien connue de notre cinéma depuis Québec-Montréal de Ricardo Trogi (cf. Les états nordiques, Papa à la chasse aux lagopèdes, Route 132, L.A. Tea Time, etc.).

En suivant à la lettre les conventions du genre (tensions entre les protagonistes, dialogue de sourd, ouverture puis réunification finale…), Niagara ne cherche pas à réinventer le genre. Toutefois, c’est plutôt dans son écriture qu’il se démarque. Au fil des kilomètres parcourus par ses frères-que-tout-oppose, Lambert arrive à nous surprendre là où on ne l’attend pas, c’est-à-dire dans le drame. Sa présence devant et derrière la caméra, la distribution et la bande annonce (trompeuse) inclinent à y voir une comédie, or ce scénario en apparence convenu laisse germer une approche plus large, plus existentielle et certainement plus sombre et plus critique de la société et de ses travers.

Mélancolique, kitsch, un brin caustique, voilà quelques-unes des facettes d’un scénario ébouriffé qui sait rassembler ses morceaux hétéroclites pour former un regard ému porté vers des êtres faillibles marqués par des vies bousculées. Certes, cette déclaration d’amour en faveur de l’altérité et de la marge ne se fait pas sans certaines longueurs et quelques passages à vide, mais la simplicité et l’humanité de l’ensemble finissent par toucher droit au coeur.

La réussite de ce voyage improbable entre Québec et Niagara Falls s’incarne aussi dans la complicité et la complémentarité du duo dépareillé que forment l’étonnamment dramatique François Pérusse (qui a quand même – noblesse oblique – des moments humoristiques dont lui seul a le secret) et Éric Bernier, très drôle en cinquantenaire arrogant, mais tout de même suffisamment fragile pour qu’on le prenne en affection. À leurs côtés, Guy Jodoin est le plus sensible des trois, tandis que plusieurs protagonistes plus grands que nature tentent, sans toujours y parvenir, de donner des couleurs au récit.

En somme, Niagara est un divertissement agréable, un film populaire sans être populiste qui, malgré ses faiblesses, marque une nette progression par rapport à ce que Guillaume Lambert avait montré avec Les scènes fortuites.

Niagara – Québec, 2022, 1h46 – Deux frères qui se parlent peu partent pour Niagara Falls retrouver leur aîné à l’occasion des funérailles de leur père, mort accidentellement après avoir reçu un sceau d’eau glacée sur la tête – Avec: François Pérusse, Éric Bernier, Guy Jodoin, Marcel Sabourin – Scénario et Réalisation: Guillaume Lambert – Production: Tim Ringuette et Laurent Allaire – Distribution: Entract Film

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