Évoluant dans une banlieue aux nombreuses clôtures, cloisonnements imposés par un système plus favorable à l’individu qu’à la communauté, les personnages affrontent les barrières d’une banlieue dont on ne sort pas aussi facilement qu’il n’y paraît. Ils portent en eux autant les stigmates de leur condition sociale (manque d’éducation pour Fleur, salaires dérisoires des jobs « décentes » pour Khadafi, modèle trompeur pour Dickens) que leur envie de voir enfin arriver des jours meilleurs. La difficulté de s’extirper d’un univers violent et sombre est ici ce qui relie entre elles les quatre histoires menées en parallèle.
Noir (NWA) navigue donc langoureusement entre fatalisme et espoir, et parvient à éviter plusieurs pièges inhérents au lourd pathos de ses protagonistes. Fournier ne fait pas de ces jeunes de rues des héros ni des désespérés et montre sous un angle plutôt réaliste les aspects les plus durs sans trop les dramatiser ou les rendre vulgairement racoleurs. Grâce à de souples travellings montrant les rues, les espaces, les édifices de ce Far-East de Montréal, finalement assez peu connu, en dehors des faits-divers et des manchettes de journaux, il arrive à dépeindre un quotidien miséreux qui trouve aussi écho dans une trame sonore tantôt reposante, tantôt nerveuse.
Jusque là tout va bien, le traitement de l’histoire de ces jeunes mal pris est assez sobre, même si une surdose de dramatisation surgit à la fin alors que nous découvrons le secret de Suzie, la jolie blonde éprise d’un gangster noir. Seulement voilà , le problème, et il est de taille, tient dans un scénario trop schématique dopé de cas d’école et boosté d’exemples qui font vrais, mais qui alourdissent inutilement le propos. De plus, le naturalisme des situations ne parvient pas à compenser l’abondance de clichés. Sous la plume de Jean-Hervé Désiré, le scénariste, la jeune mère qui veut aller à l’école, le jeune qui veut marcher dans les pas du grand frère, le slam comme élément libérateur, tout ça ressemble à une collection d’images, certes fortes, mais maintes fois vues et naturellement (à tort ou à raison) accolées au milieu de la drogue et de la prostitution.
Hélas l’interprétation très inégale de comédiens peu connus (dont plusieurs en sont à leurs premières armes au cinéma) n’aide pas le film. Salim Kechiouche s’en tire à merveille dans son rôle de jeune père bègue qui ne semble pas saisir la portée de ses actes, mais il est à peu près la seule satisfaction de cette distribution hétéroclite. Au final, même si Noir (NWA) possède une éloquence certaine et une vision plutôt sincère d’un malaise social, il n’arrive jamais vraiment à convaincre, plombé qu’il est par une trop forte concentration de clichés.
Noir (NWA) – Québec, 2014, 1h49 – Les portraits croisés de quatre jeunes vivant dans un univers tenaillé par les gangs de rue, le trafic de drogue et la prostitution. Leurs espoirs de jours meilleurs leur permet d’échapper temporairement à la tourmente – Avec: Salim Kechiouche, Julie Djiézion, Jade-Mariuka Robitaille, Kémy St-Éloy – Scénario: Jean-Hervé Désiré Réalisation: Yves Christian Fournier – Production: Nicole Robert – Distribution: Les Films Séville
Ma note:Â