Les communautés culturelles québécoises sont à l’honneur dans Roche Papier Ciseaux, un polar qui rend hommage aux séries B québécoises des années 70, et dont le style et la réalisation nerveuse et efficace ne sont pas sans rappeler quelques perles du genre. Parmi les références qui viennent à l’esprit, citons La gammick de Jacques Godbout (1974), dans laquelle un petit québécois ordinaire s’attaquait hardiment à la mafia New-Yorkaise et La maudite galette de Denys Arcand (1971) qui mettait aussi en confrontation le Montréal bruyant et cosmopolite avec la région paisible.
Pour ce premier long métrage, Yan Lanouette Turgeon nous remémore donc avec bonheur quelques unes des belles heures de la série B québécoise en les teintant d’une touche de modernité dans l’illustration d’un Québec aux multiples visages. Ici, les chinois, les italiens, les autochtones et les québécois pure laine se côtoient dans un embrouillamini de magouilles plus ou moins fructueuses. Le petit monde coloré de Turgeon rajeunit quelque peu un genre de plus en plus présent dans la cinématographie québécoise, mais qui a assez étonnement une fâcheuse tendance à rejouer les mêmes vieilles pièces (cf. La peur de l’eau l’an dernier).
Empruntant les voies du road movie initiatique dans sa première partie, tandis qu’un petit malfrat proche du rancart prend sous son aile un jeune autochtone désœuvré, Roche Papier Ciseaux élabore son histoire en tissant des liens de circonstances entre ses personnages. Ici, comme dans le célèbre jeu d’enfants, personne n’est vraiment déclaré vainqueur. Car, de la roche (Samian), du papier (Remo Girone), ou des ciseaux (Roy Dupuis), tout le monde campe sur ses positions malgré un semblant de victoire ou seul importe le fait de pouvoir sauver sa peau. Le jeune autochtone retourne d’où il vient, le chirurgien s’exile avec sa blonde enceinte et le vieil italien retourne dans son pays.
Après un départ sur les chapeaux de roues, le film prend une respiration et délaisse son petit monde pour entrer dans le grand, celui de la pègre chinoise. Frédéric Chau en mafieux cynique mène le bal mortel, sapé dans un trois-pièces immaculé du plus bel effet. L’histoire bascule alors abruptement dans le drame d’horreur mâtiné de thriller psychologique. Ce faisant, le rythme perd un peu de vitalité, tandis que quelques longueurs apparaissent et alors que l’un des moments charnière du film (la séquence de la roulette russe « éthilo-médicamenteuse ») verse un tantinet dans l’outrance. Cette séquence choc ressemble plus à un exercice de style plaqué et s’insère assez mal dans le récit jusque là très centré sur le côté sordide de l’aventure. Le rebondissment final, plutôt prévisible, permet de clôre cette histoire de gars sur le retour à l’aide d’un faux happy end où les chemins se sépareront à jamais.
Au final, Roche Papier Ciseaux est une série B agréable dans laquelle l’interprétation hétéroclite franco-italo-québécoise remplit parfaitement son rôle.
Roche Papier Ciseaux – Québec, 2013, 1h57 – Un jeune autochtone fuyant sa région, un gangster sur le retour et un médecin radié qui paye ses dettes, se retrouvent tous trois impliqués dans un trafic d’organe au profit du patron de la pègre chinoise montréalaise. – Avec: Roy Dupuis, Remo Girone, Samian, Roger Léger, Fanny Mallette – Scénario: André Gulluni et Yan Lanouette Turgeon Réalisation: Yan Lanouette Turgeon – Production: Christine Falco (Camera Oscura) – Distribution: Filmoption International
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