[Critique] Se fondre de Simon Lavoie

Emballé par la première moitié claustrophobe du film et par les questions pertinentes qu’il pose sur la survivance du fait français. Moins convaincu par la seconde partie s’aventurant un peu au hasard dans le cinéma de genre.

Image de l'acteur Jean-François Casabonne dans le drame futuriste "Se fondre" de Simon Lavoie (2023)
Jean-François Casabonne dans le drame futuriste « Se fondre » de Simon Lavoie (2023)

Avec son collègue Mathieu Denis, Simon Lavoie est l’un des rares cinéastes québécois de fiction à aborder directement les questions du nationalisme, de l’indépendance et de la langue dans ses films. Le Québec et la survivance du fait français sont donc au cÅ“ur de Se fondre, fable politique dystopique étonnante, qui vaut surtout pour sa première heure au cours de laquelle, les propos du réalisateur de Nulle Trace entrent en résonance avec Les ordres, qui fête cette année son cinquantième anniversaire.

Le filmage dans l’ancienne prison de Sorel – là-même ou furent tournées plusieurs séquences du célèbre film de Michel Brault – n’y est évidemment pas étranger. Lavoie y tisse une métaphore tout à fait actuelle dans laquelle des nationalistes québécois sont retenus prisonniers par des geôliers anglophones, anonymes et unilingues, qui ne s’adressent aux détenus que par le biais d’intertitres. Sublime idée de mise en scène – adéquate et justifiée – qui, outre le joli clin d’Å“il aux vues animées des premiers temps, illustre puissamment le fossé qui qui sépare les deux cultures canadiennes officielles, incapables de communiquer et de se comprendre.

À l’heure des arrivées massives d’immigrants allophones, de la quasi-absence de culture francophone disponible sur les plateformes de divertissement, et de l’oubli qui est en train d’engloutir lentement mais sûrement les grands noms de la pensée nationaliste (dont plusieurs extraits sont lus in camera par le toujours très convaincant Jean-François Casabonne), les questions que pose Lavoie paraissent de plus en plus évidentes. Que l’on soit indépendantiste ou non, il est en effet assez facile de leur trouver une correspondance directe dans notre vie de tous les jours.

Cela dit, si j’ai été emballé par la première moitié claustrophobe de Se fondre, j’ai eu beaucoup plus de réserve sur la seconde partie. Lavoie tente, sans convaincre vraiment, de s’aventurer dans le cinéma de genre, en l’occurrence en mêlant horreur, fantastique et science-fiction. C’est de bon ton aujourd’hui de faire se répondre divers genres dits mineurs à des portions de drame plus profond. Or, cette deuxième mi-temps mettant en vedette un immense ver solitaire m’a parue un peu trop brouillonne. Il faut dire que le budget du film étant ce qu’il est (c’est à dire, très modeste) les effets visuels sont assez pauvres. Mais ce qui m’a le plus dérangé c’est de ne rien comprendre aux tenants et aboutissants de cette chose ambigüe, sur ce à quoi elle servait réellement au propos.

C’est peut-être dans ce dernier droit que Se fondre aurait dû recourir à un scénario plus explicatif, à tout le moins dans ses dialogues, et à une narration plus construite quitte à passer pour plus conventionnelle. En l’état, plusieurs doutes de taille subsistent, empêchant de jouir pleinement de cette expérience métaphorique, parfois fascinante, souvent déroutante.

Se fondre – Québec, 2023, 1h51 – Dans une prison bien gardée, des détenus politiques québécois meurent les uns après les autres – Avec: Jean-François Casabonne – Scénario, Réalisation et Production: Simon Lavoie – Distribution: K-Films Amérique

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