Pour son troisième long métrage, Elza Kephart livre un slasher amusant et décalé, porté par le mordant d’un discours social et environnemental peu habituel pour le genre. Au chapitre des références à la société contemporaine, on retrouve pêle-mêle : l’exploitation de ressources naturelles, l’idéalisation du corps, la futilité des influenceurs sévissant sur les réseaux sociaux, les mensonges de la mode rapide et, presque comme une évidence, le management tourné vers le profit à tout prix. L’importance et la gravité du message n’offrent rien de neuf, mais donnent quelques couleurs à une univers rabâché et trop souvent anodin. Elles sont véhiculées par un traitement satirique marqué, qui se distingue par quelques accents loufoques réussis (le jean qui danse sur du Bollywood), une critique des préjugés raciaux et des personnages caricaturaux à souhait.
D’un point de vue esthétique, Slaxx bénéficie de trouvailles efficaces, à commencer par le beau (et complexe) travail d’animation des pantalons, effectué à l’ancienne par des marionnettistes manipulant des bouts de fil de fer. Grâce à leur dextérité, le denim de la mort s’éveille, se déplace, a un visage grimaçant, et tue en étranglant ou en écrasant sa victime. C’est souvent drôle, rarement épeurant, et cela a tendance à diminuer la portée du message ou à le rendre anodin.
Ce que j’ai surtout apprécié, c’est qu’en plus de prendre forme, le jean est aussi doté d’une âme qui rappelle tous ces esprits malins et vengeurs qui viennent remettre à leur place les envahisseurs. Sauf qu’ici l’ectoplasme prend la forme d’un mannequin qui n’est autre que la petite indienne décédée dans son champ de coton revenu sur Terre pour exterminer ses tortionnaires. Doté d’une véritable conscience, le morceau de styromousse androgyne n’a aucun mal à voler la vedette, notamment lors de séquences étonnantes, presque oniriques, reliant Shruti, l’employée de descendance indienne (Sehar Bhojani) et l’histoire tragique montrée en introduction. Pour le reste, les moments d’horreur pure, certes évocateurs, semblent un peu trop rares pour réellement satisfaire notre appétit morbide. Notons aussi la construction efficace d’un climat d’angoisse passant beaucoup par l’utilisation d’un huis-clos anxiogène, et mettant en opposition le chic du magasin avec le dédale de couloirs en béton brut et froid de l’arrière-boutique.
Reste que toutes ces belles idées narratives ou visuelles se retrouvent amalgamées dans un enchaînement très rapide, peu propice à développement. Dans ce petit film de 75 minutes, rien ne va au-delà de la surface des choses. Dommage aussi que le discours soit souvent redondant et surtout que les personnages, en particulier celui de Libby, n’aient rien de vraiment profond à véhiculer. En outre, la séquence finale manque la cible car trop sage et trop abrupte, mais incapable de marquer les esprits. En somme Slaxx est à voir avant tout pour son esthétique réussie et quelques beaux plans de mannequins animés, à l’image de celui sur la photo ci-dessus.
Slaxx – Québec, 2020, 1h17 – une paire de jeans meurtrière sème la panique dans un magasin de mode rapide en plein lancement de sa nouvelle collection – Avec: Romane Denis – Scénario: Elza Kephart, Patricia Gomez Zlatar – Réalisation: Elza Kephart – Production: Patricia Gomez Zlatar, Anne-Marie Gélinas – Distribution: Filmoption International
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