Premier long-métrage d’une jeune réalisatrice honorée, Nuit #1 d’Anne Émond aborde, comme plusieurs de ses contemporains, le thème du mal-être de jeunes adultes dans la société actuelle. Par sa manière singulière de se démarquer en mettant en avant un côté plus intellectuel et moins contemplatif de son sujet, Nuit #1 à tout pour satisfaire. Il s’agit en effet d’un film fort qui porte en lui le discours d’une génération en manque de repères qui se demande où elle va.
L’histoire de Nuit #1 est d’une simplicité toute relative. Il s’agit de la rencontre sur une piste de danse de deux jeunes citadins dans la trentaine qui, après avoir fait l’amour, se livrent à une série d’échanges et de confidences intimes sur leur mal-être. Cette première nuit sera l’occasion pour Clara (impeccable Catherine de Léan) et Nikolaï (Dimitri Storoge, parfait) de se dévoiler et de laisser leurs émotions remonter à la surface.
Ils sont nombreux les films d’auteurs québécois traitant du malaise de la jeunesse. Rien que cette année, Jo pour Jonathan et Laurentie ont également traité de ce sujet. Ces trois films importants, offrent, chacun à sa manière, un portrait de génération plutôt sombre qui reflète l’état d’esprit dans lequel se trouve leur réalisateur, parlent de leur temps et d’un certain malaise de société.
Comme les deux films précités, Nuit #1 dresse le portrait de deux jeunes adultes que tout semble opposer. Lui est artiste sans emploi (personnage hautement imbu de sa personne et de ce fait plutôt détestable) et elle est enseignante au primaire sans savoir si c’est vraiment la voie qui lui convient. Bien qu’ayant des conditions de vie opposées, ils se retrouvent toutefois dans un désarroi similaire face à une société qui ne les intègrent pas vraiment et où les repères et les références traditionnelles sont de moins en moins en rapport avec leurs aspirations.
Alors que l’esquive semblait à Clara la solution la plus adéquate, l’excellent scénario d’Anne Émond s’ingénie à forcer le face à face et à faire que ces deux inconnus soient autre chose que des amants de passage. Obligés de se parler, Clara et Nikolaï se (re)dévoilent et se (re)mettent à nu devant nous. Ce qui différencie le film d’Anne Émond vient de l’emploi de nombreux dialogues pour faire passer son message. On laisse de côté la contemplation et les silences pour se laisser envahir par un déluge de textes crus et très durs, mais aussi très beaux, grâce aux citations littéraires québécoises, comme l’avait fait Laurentie. De fait, Nuit #1 est sans doute le film québécois le plus violent de l’année.
Ces longs discours, qui ne sont en réalité que des monologues, font la force du film, mais sont aussi son talon d’Achille. En effet, Nuit #1 aurait peut-être tiré avantage à laisser un peu plus de place aux regards et aux non-dits. À cet égard, les nombreux dialogues font de Nuit #1 un cas particulier dans le cinéma d’auteur québécois, qui nous a habitué au contraire. Sans être lassant, le film comporte toutefois quelques répliques très écrites et qui sonnent assez peu naturelles, surtout dans les dialogues de Nikolaï. De plus, le personnage artiste-sans-le-sou-et-en-révolte peut paraître un peu convenu.
Filmé de manière très théâtrale (acte 1 : ils baisent – acte 2 : Nikolaï – acte 3 : Clara – Conclusion), techniquement très abouti et campé dans un appartement en pleine déconfiture (à l’image des personnages), Nuit #1 est un huis-clos intimiste à la fois lumineux et étouffant. Le film a aussi l’avantage de se terminer sur une note moins dramatique et de laisser briller une petite lueur sur la possible remontée vers la lumière de Clara. Tout espoir n’est donc pas perdu.
En résumé
Anne Émond apporte avec son Nuit #1 un éclairage important sur sa génération et met en lumière des problèmes de société qui demeurent tabous. Un premier film fort et courageux, un cri dans une nuit numéro un qui reste en mémoire et qui fait réfléchir.
Nuit #1 – Québec, 2011, dureefilm – Après s’être rencontrés sur une piste de danse deux trentenaires passent la nuit à faire l’amour, à se dévoiler et à partager les doutes et les angoisses de leur condition – Avec: Catherine de Léan, Dimitri Storoge – Scénario et Réalisation: Anne Émond – Production: Nancy Grant (metafilms) – Distribution: K-Films Amérique
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