C’est en plein week-end de la fête du travail que la nouvelle, laconique, absurde et incompréhensible a été annoncée. Un article du journal Le Devoir du samedi 5 septembre nous informait qu’après 18 ans d’existence, l’événement Cinéma du Québec à Paris était supprimé.
Monique Simard, présidente de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), jette le blâme sur un événement qui « coûtait très très cher ». Comprenant « rarement des nouveautés » et ne rejoignant « pas suffisamment les producteurs », ce mini festival – unique en France – comptait sur des frais d’organisation s’élevant, nous dit-on, à 370 000 dollars pour survivre. Pas 3,7 millions, non non, 370 000 dollars. On rétorquera que les nouveautés étaient pourtant bel et bien présentes (Nuit #1, Le démantèlement), et que contrairement aux autres festivals, la course à la primeur ne s’appliquait pas forcément ici.
370 000 dollars pour qu’une vingtaine de films québécois puissent exister aux yeux des parisiens, qui en retour savaient remplir les salles si l’on en juge par l’article du Devoir. 370 000 dollars pour offrir au public le seul moment de l’année pour voir des films qui ne sortiront jamais en salles dans l’Hexagone, mais aussi pour mieux comprendre notre société par l’entremise de ses images. En résumé, 370 000 dollars pour que notre cinéma puisse se montrer et se faire voir [1]. Et bien, désormais, il ira se faire voir ailleurs.
Si ce montant est qualifié de « très très cher », qu’en est-il alors des subventions accordées sans aucun problème aux comédies estivales qui nuisent plus qu’elles ne rapportent, aux remakes de gros succès commerciaux (présumés) ou aux rapports sur les « enjeux » du cinéma québécois, tablettés sans autre forme de procès?
Pour contrer le coup de cette mauvaise nouvelle, et pour mitiger les volées de vois vert, on nous informe du même souffle que la promotion du cinéma québécois passera par d’autres moyens, et que les montants économisés maintenant seront transférés plus tard dans de nouvelles avenues, encore à l’étude. Tant mieux si cela s’avère exact et tant mieux si notre cinéma finit par en bénéficier. Mais en attendant de voir la couleur de ces belles promesses, permettez-nous de questionner une décision qui apparaît bien plus politique qu’il n’y paraît, et qui s’apparente à une énième coupe sombre à l’endroit de la culture.
Organisée en novembre en plein cœur de Paris, Cinéma du Québec à Paris était l’une des rares occasions pour le public de découvrir des productions d’ici récentes, longues ou courtes, fictions ou documentaires. Les efforts de ces 19 dernières années auront été vains il faut croire. Quel gâchis.
En souvenir, la très belle affiche de l’édition 2014, la 18e et dernière.
[1] « …/… En comparaison de ce qui se constatait pendant les 10 premières années de son existence, jusqu’à son déménagement au cinéma Publicis, en haut des Champs-Élysées, Cinéma du Québec, désormais installé au Forum des images, nage en pleine gloire. Et ça se confirme d’une année à l’autre: affluence des professionnels québécois et européens, couverture médiatique plus qu’honorable …/…  » – LOUIS-BERNARD ROBITAILLE, La Presse, Mercredi 24 novembre 2010