[Fantasia 2024] The Rubber Gun de Allan Moyle

Portrait crédible, sincère et attachant de la communauté underground de Montréal au milieu des années 1970.

La présentation par le Festival Fantasia de la version restaurée de The Rubber Gun d’Allan Moyle a donné l’occasion au public de revoir cet objet étrange et fascinant, très bon exemple de « la pollinisation du direct dans la fiction », jadis analysée par le critique et historien québécois Gilles Marsolais.

Ne cherchons pas le style – mélange adroit de reportage sur le vif, de documentaire et de fiction – de The Rubber Gun et ne tentons pas de résumer son histoire pour le moins décousue et largement improvisée ; vous avez tous les détails dans la fiche descriptive. Disons simplement qu’il s’agit d’une expérimentation artistique menée par un collectif d’amis (Allan Moyle, Stephen Lack, Frank Vitale, entre autres) basée sur la volonté sincère de mettre en scène la communauté artistique et contre-culturelle montréalaise du milieu des années 1970.

L'acteur canadien Stephen Lack dans The Rubber Gun d'Allan Moyle (1977)
L’acteur canadien Stephen Lack dans The Rubber Gun d’Allan Moyle (1977) – Image extraite du film

Doté d’une étonnante franchise, le film présente sans détours des scènes de consommation de drogue. aujourd’hui anodines, mais assez choquantes à l’époque. Pour autant, rien n’est voyeur, rien n’est exagéré et rien n’est dramatisé de l’errance de ces individus en marge. Au contraire, tout semble réaliste et crédible. Cela tient beaucoup au « casting » pour le moins improbable. En dehors de Stephen Lack (que l’on verra plus tard dans Scanners de David Cronenberg), les « comédiens » sont des nom-professionnels qui se laissent filmer dans des versions inventées d’eux-mêmes. Leur amitié d’en dehors l’écran est palpable, tout comme la trahison qui viendra mettre un terme à la relation de Stephen et de son copain Bozo (surnom d’Allan Moyle) à la toute fin. En soi, The Rubber Gun est donc un instantané d’une époque, un témoin formidable et passionnant de la vie de libre-penseurs, voyous, mais pas trop, humains, surtout.

Portant un regard empathique sur ses personnages, sans pour autant tomber dans l’angélisme, Moyle présente des êtres fragiles sous leurs airs cyniques et désabusés. Des déconnectés de la vie dite moderne, fiers de leur liberté, mais bien obligés de payer le loyer. Incapables de s’insérer dans un moule qui n’a pas été fait pour eux, ils tentent de joindre les deux bouts et continuer leur pratique artistique en vendant de la drogue. Évidemment, ils n’ont pas leur place dans la société consumériste qu’est la nôtre. Il n’est donc pas étonnant que la police soit à leurs trousses et que The Rubber Gun prenne le virage vers le polar. La transition entre propos social dur et série B de genre se faisant toutefois de manière très fluide et logique. Au final, sous la pression et après que certains d’entre eux se soient fait coffrer, le groupe éclate. Il en sera de même pour ses concepteurs, dont ce sera la dernière collaboration ensemble avant de prendre par la suite des voies diverses.

Affiche du film Rubber Gun (Allan Moyle)

Tourné en 1974 et 1975 avec un budget dérisoire (environ 500 000 dollars actuels) par l’équipe qui avait créé Montreal Main en 1972, The Rubber Gun avait été mis en nomination pour deux prix Génie (acteur principal, Stephen Lack et scénario original, Lack, John Laing, Moyle).

Grâce à la restauration du film qui donnera, souhaitons-le, naissance à une édition en Blu-ray au catalogue de Canadian International Pictures (CIP), ce condensé de vérité et de sincérité restera toujours vivant. On y verra le vibrant centre-ville d’un Montréal révolu toujours plaisant à redécouvrir, mais on pourra surtout continuer d’apprécier à sa juste valeur cette probante incursion du cinéma québécois dans la culture underground de ceux communément qualifiés de hippies. du reste, on pourrait en dire de même pour Montreal Main, tant les deux films semblent inséparables. Terminons en soulignant le dynamisme et l’originalité de la trame musicale composée par Lewis Furey – que l’on retrouve sur son album « The Humors of… » paru en 1976 – qui constitue l’un des attraits de ce film imparfait, mais particulièrement attachant.

Présentation au Festival Fantasia le 20 juillet 2024.

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Les notes :

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