L’hiver, un chalet, deux amies et le copain de l’une d’elles. Un moment festif et relaxant s’annonce. Sauf que, la relation sincère qui semble unir les deux jeunes femmes se dégrade rapidement au fur et à mesure que des blessures sanguinolentes apparaissent sur le bras de l’une d’entre elles. C’est à partir de cette trame introspective délicate à mettre en images qu’Amelia Moses dresse les contours d’une spirale infernale destructrice unissant deux êtres vivant sous le poids des apparences, dont elle évite bien de dévoiler les motivations. Le geste est lent et minutieux, le récit avance à pas de loup, n’osant jamais la certitude, la violence ou l’excès.
Surfant sur le drame psychologique, le ‘revenge movie’, le film de vampire, et le fantastique, Bleed With Me utilise les codes et les stéréotypes d’un cinéma de genre de plus en plus hybride. Cela ne se fait pas sans l’emploi de quelques poncifs éculés, mais Moses arrive néanmoins à créer de manière très maîtrisée une oeuvre sensible, au carrefour du rêve et de la réalité, sans jamais perdre de vue le fil de son propos. En glissant progressivement de la dramédie à l’horreur, encore une fois, très introvertie, la réalisatrice fait ressortir les tourments de ses personnages. Elle privilégie l’évocation d’une tension sourde, d’une suspicion palpable, sans tomber dans l’explication verbeuse, ou l’illustration graphique d’un finale abrupte et sanguinolente.
Moses propose plutôt au spectateur d’interpréter lui-même la dégradation de l’état psychique de l’une et les motivations réelles de l’autre. Et ce, même si l’on sent que la tentation de fournir quelques pistes est forte. Cela dit, le scénario n’insinue jamais totalement la folie, ne fouille pas trop dans le passé pour justifier le présent, et évite de se lancer dans un triangle amoureux casse-gueule, pourtant esquissé.
Avec peu de moyens et peu de mots, Moses créé une collection de timides atmosphères, écrites avec raffinement, qui au final forment une oeuvre, ténue, certes, mais délicate. Outre la direction photo qui donne à l’hiver québécois une présence évocatrice, la cinéaste s’appuie sur un duo d’actrices habitées, une trame sonore soignée et une mise en scène pleine d’assurance. En somme, si la narration reste à peaufiner, voilà de belles qualités esthétiques, en guise de présage pour le futur. Qui ne sera pas long à attendre d’ailleurs, puisque la Montréalaise d’adoption est en déjà préproduction de son deuxième long métrage intitulé Bloodthirsty
Bleed With Me à découvrir sur fantasiafestival.com , ce mardi 1er septembre 2020, à 15h
Bleed With Me – Québec, 2020, 1h19 – Dans un chalet isolé en forêt en plein coeur de l’hiver, une jeune femme timide et fragile s’imagine que son amie lui vole son sang pendant qu’elle dort – Avec: Lee Marshall, Lauren Beatty – Scénario: et Réalisation: Amelia Moses – Production: Mariel Sharp, Amelia Moses, Lee Marshall – Distribution: Epic Pictures
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