Ah! Si mon moine voulait… est une comédie coquine coproduite à parts égales par la France et le Québec qui fut réalisée par Claude Pierson (1930-1997). Basé sur un roman de contes et nouvelles écrits au milieu du XVIe siècle par Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre, le film se découpe en sept tableaux vaguement reliés entre eux par deux moines cordeliers égrillards, incarnés par Jean-Marie Proslier et Gilles Latulippe, cherchant pitance chez l’habitant.
Cette farce misogyne menée par une gaudriole éculée essaye de dépeindre les relations plus ou moins réalistes des habitants d’un petit village aux allures médiévales, qui fut filmé de part et d’autre de l’Atlantique. On y retrouve les maîtres, leurs épouses délaissées, et de jeunes chambrières à la cuisse légère… On se moque royalement de tout ce beau petit monde, les hommes sont de lubriques bonshommes ou de fieffés imbéciles, tandis que les femmes sont frivoles ou bétassement naïves. En ce qui concerne les représentants de l’ordre moral et religieux, ce n’est guère mieux, puisque eux aussi sombrent dans la luxure la plus totale, lorsqu’ils ne vivent pas au crochet de la société, passant le plus clair de leur temps à exploiter l’hospitalité des résidents.
De Claude Pierson, on préférera donc revoir le seul film présentable de ce tâcheron du porno français : Justine de Sade, également coproduit au Québec et dont une bonne part de l’équipe a aussi travaillé sur Ah! Si mon moine voulait… Titre de la version internationale : Vertudieu! En France, c’est sous le titre de Joyeux compères qu’une édition DVD de mauvaise qualité a vu le jour en 2005.
Réception critique
Si ce film n’avait pas été produit avec des fonds canadiens, si ce film ne comptait pas des acteurs de chez nous – dont l’ineffable Gilles Latulippe, si la scénariste n’était pas une petite Québécoise devenue la femme du réalisateur, nous préférerions l’ignorer tant il contient d’inepties et de platitudes. S’inspirant de L’Heptaméron de Marguerite de Navarre (quelle prétention pour un film aussi moche !), Claude Pierson prend plaisir à ramper dans la grossièreté et la scatologie. Il manque à ce piètre tâcheron un certain respect des spectateurs. Il préfère spéculer sur leur naïveté pour en tirer de gros sous. Ce qui lui permettra ensuite de faisander d’autres films de plus en plus dégueulasses. (Léo Bonneville, Séquences : la revue de cinéma, n° 74, p.30)
Ah! Si mon moine voulait… souffre de lacunes qui malheureusement jettent un sérieux discrédit sur ce qui précède. En vrac ce sont: la pauvreté des dialogues, la minceur du scénario (qui se situe du début à la fin dans la ligne d’un humour paillard d’une rare indigence), sans oublier la faiblesse de la mise en scène et de l’interprétation et l’affreuse postsynchronisation qui couronne le tout. J’avoue m’être ennuyé à mourir à voir ce film. Il y a bien longtemps que les farces anticléricales ont perdu de leur intérêt au Québec. (Luc Perreault, La Presse, 17 août 1993, p. D8)
Résumé
1 - (Paul Préboist, Roger Carel, Chantal de Rieux) Maître Bornet et Maître Cendras harcèlent Toinon, la jolie chambrière. Elle se plaint à sa maîtresse, qui décide illico de tendre un piège à son mari, Maître Bornet. Un soir, ce dernier s'introduit dans la chambre de Toinon, et, dans le noir complet, la lutine bonnement. Il mande Maître Cendras d'aller tâter à son tour des rondeurs de la jouvencelle. Après maintes hésitations le nigaud se jette finalement dans les bras de la donzelle et ne sort du lit que dès potron-minet. Le lendemain, Bornet découvre, stupéfait, que celle qu'ils ont entrepris avec tant d'ardeur toute la nuit n'est pas Toinon, mais sa femme. En échange du pardon de celle-ci, il devra répéter l'opération tous les soirs. Vertudieu!
2 - (Jean-Marie Proslier, Gilles Latulippe, Catherine Rouvel, Marco Perrin, Alice Arno) Deux moines concupiscents essayent de charmer la belle batelière qui les transporte jusqu'au village. Arrivés sur place, il cherchent la charité dans les maisons. Cordeliers de métiers, qui ne "paient que de belles paroles", les deux quêteux trouvent finalement refuge chez le boucher et sa jolie jeune femme. Le soir venu, ils observent les ébats amoureux du couple par le trou de la serrure. Le lendemain, le boucher les laissent repartir en leur donnant un sac plein d'andouilles.
3 - (Marcel Sabourin, un vieux, Roseline Hoffman, la mère supérieure, trois sœurs) Des religieuses prient au chevet d'un mourant qui ne cesse de réclamer à boire et à manger. Le père lui prodigue les derniers sacrements mais le vieux, nommé Jésus, n'est pas pressé de passer l'arme à gauche. En pleurs, la jeune soeur abandonne son chagrin dans les bras de l’ecclésiaste qui ne se prive pas pour lui offrir le réconfort espéré.
4 - (Floride la chambrière, Amadour, Louise Turcot) Amadour poursuit de ses assiduité Madame Rolandine qui finit par céder à ses avances en lui donnant rendez-vous au lit, le jour même. Le soir venu, le jeune homme ne se montre guère entreprenant, malgré l'insistance de Rolandine. Floride n'aura guère plus de chances... "il n'est pas tellement ardent..."
5 - (Jean-Marie Proslier, Darry Cowl, une vieille dame, Gilles Latulippe, plusieurs figurants au marché, Sylvie Joly) Un gros moine se voit refuser un misérable pain de sucre par un marchand qui n'est qu'un fieffé voleur. Peu après, les deux cordeliers réunis trouvent dans le ruisseau un pain de sol échappé par le marchand... mais ce n'est qu'un étron gelé égaré expressément pour les emmerder. Une fois à l'auberge, l'étron se met à fondre et commence à dégager une odeur pestilentielle. Les deux cordeliers sont la risée des clients.
6 - (Michel Galabru, Lisette, Monique Tarbès: Madame) Un tapissier poursuit de ses ardeurs la chambrière de sa femme, Lisette, qui l'aide à rembourrer un siège. Il la sermonne de sa maladresse : "Croyez-vous que je sois homme à me baisser pour enfiler mon aiguille ?". Pendant ce temps, les cordeliers quémandent à la porte. Le lendemain matin, Lisette, encore au lit, reçoit la visite du mari, qui, feignant les coups de fouets, la butine à foison. La ronde de fesses continue le lendemain, dans le pressoir à pommes, sous les yeux de la voisine éberluée...
7 - (toute l'équipe) À la messe, la commère qui a tout vu la veille renseigne Madame que la chambrière se livre à des jeux coquins dans le pressoir avec son mari. Mais la bonne femme absous son mari, puisqu'elle est aussi allée dans le pressoir. Lassés du sermon sans queue ni tête du gros cordelier, les paroissiens s'énervent et le fichent hors du village.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Crédités au générique de la version française : Michel Galabru (Maître Lamothe), Darry Cowl (L'apothicaire), Paul Préboist (Maître Sandras), Roger Carel (Maître Bornet), Monique Tarbès (Maîtresse Lamothe), Jean-Marie Proslier (Le gros moine), Marco Perrin (Le boucher), Gilles Latulippe (Le jeune moine), Chantal de Rieux (Maîtresse Bornet), Danièle Paradis, Sophie Bacquet (sous le nom Sophie Baquet), Sylvie Joly (l'aubergiste), Louise Turcot (Rolandine), Mag Avril, Rosine Young (sous le nom Roseline Young), Guy Lelarge (Amadour), Alice Arno (La bouchère)
Et par ordre alphabétique (non crédités) : Rachel Cailhier, Christian Chevreuse, Nini Durand, Jocelyne Goyette, Ernest Guimond, Guy Hoffmann, Roseline Hoffman (la jeune religieuse), Rita Lafontaine, Madeleine Langlois, Monique Rioux, Catherine Rouvel (la batelière), Marcel Sabourin (le père), Monique Rioux, Henriette Senez
Fiche technique
Genre: comédie érotique - Origine: coproduction France-Québec (50%-50%), 1973 - Durée: 1h33 - Langue V.O.: Français - Visa: 13 ans et plus (14 ans à sa sortie) - Sortie en salles: 17 août 1973 sur onze écrans au Québec
Réalisation: Claude Pierson - Scénario: Huguette Boisvert (sous le nom Élsabeth Leclair) librement inspiré du livre "L'Heptaméron" de Marguerite de Navarre - Production: John Dunning, Nicole M. Boisvert, Claude Pierson - Sociétés de production: Cinépix-Citel, Montréal et Pierson Productions, Paris - Distribution: Cinépix
Équipe technique - Assistant réalisateur: Serge Ménard - Costumes: Éliane Ville - Maquillages: Éric Pierre, Cristophe d'Harbonville - Montage images: François Ceppi assisté de André Gauthier – Musique: Françoise et Roger Cotte, choeurs et ensemble des instruments anciens de Paris sous la direction de Roger Cotte - Photographie: Jean-Jacques Tarbes, assisté de Claude Bourgouin, Magi Torruela, Yves Delacroix - Régisseur général: Jacques Ristori - Son: Marignan
Infos DVD/VOD
Ah! Si mon moine voulait... a été édité en France en format DVD en 2005 sous le titre "Joyeux compères". Au Québec, le film semble ne jamais avoir fait l'objet d'édition VHS, DVD, ou VOD.