Réalisé par Jean Beaudin, dont c’était le deuxième long métrage de fiction après J.A. Martin photographe, Cordélia est un film important de l’histoire du cinéma québécois, ne serait-ce que parce que ce drame judiciaire sorti en salles en février 1980 est sans doute l’un des seuls – si ce n’est le seul – dans son genre à avoir été produit au Québec.
Adapté du roman La lampe dans la fenêtre de Pauline Cadieux, publié en 1976 et rapidement devenu l’un des rares best-sellers québécois, Cordélia relate l’histoire supposée « véritable » de la jeune Cordélia Viau, 32 ans, qui fut accusée d’avoir assassiné son mari avec l’aide de Samuel Paslow, dépeint comme son « amant ». Le procès, truffé d’irrégularités semble t-il, fut l’un des plus retentissants du Québec de la fin du XIXe siècle.
« J’ai eu envie de transposer l’histoire de La lampe dans la fenêtre en film, pour montrer la bêtise humaine. La démarche politique que comportait inévitablement l’histoire, puisqu’il s’agit d’une histoire vraie, m’intéressait moins que de montrer l’injustice dont une femme était la victime. Je crois d’ailleurs que les femmes sont encore aujourd’hui victimes d’injustices sociales même si elles ne sont plus pendues. » [1]
« Je pense que c’est Pierre Mignot, mon directeur de la photographie, qui m’avait donné le livre de Pauline Cadieux en me disant de le lire. L’hiver précédent, j’avais lu un article dans Perspectives sur Cordélia. En lisant le livre que j’ai trouvé ardu parce qu’il se présentait sous la forme d’un dossier, j’ai pris un crayon et je me suis mis à mettre en place les différents personnages du drame. C’est alors que m’est apparue toute l’intolérance mise en cause dans cette affaire, l’injustice de la justice, si on peut dire. » [2]
Au cours d’audiences interminables, la jeune femme (incarnée par Louise Portal), qui montait à cheval « comme les hommes », fut jugée non pas sur des faits avérés, mais bien d’après la morale et les présomptions. Elle et son amant (joué par Gaston Lepage) étaient des marginaux au comportement différent. Dans un Québec fortement dominé par la religion, ils furent sans doute jugés immoraux, et en payèrent le prix fort. Cordélia Viau est la dernière femme à être montée sur l’échafaud au Québec.
« Cordelia constituait une menace pour les autres femmes. Qu’une femme puisse être mariée, qu’elle n’ait pas d’enfants, qu’elle puisse s’amuser et recevoir des hommes chez elle, c’était inacceptable. Il fallait faire un exemple. Telle était l’attitude qui motivait le jugement rendu par te juge Taschereau à l’époque. » [3]
[1] : Jean Beaudin dans La Presse, 5 janvier 1980, p. 6
[2] : Jean Beaudin à Luc Perreault dans La Presse, 9 février 1980, p. C-11
[3] : Jean Beaudin à Luc Perreault dans La Presse, 9 février 1980, p. C-1
Critique d’époque
C’est sans doute la seconde partie qui laisse le spectateur insatisfait. Pourquoi? Peut-être à cause de la simplification des événements, de l’escamotage de deux procès et du « typage » des personnages. En effet, tout ici se bouscule rapidement. Le procès donne lieu à de courts monologues sans réplique, les personnages apparaissent tout d’une pièce, sans beaucoup de nuances et les événements se précipitent brusquement. Bref, l’auteur veut montrer ici l’acharnement d’une société sur une personne (et son amant) vivant à l’écart de la règle commune… Il faut bien admettre que, lorsque Cordelia est déclarée coupable et condamnée à la potence, le film est terminé. Toute la suite relève de la simple anecdote et du voyeurisme. D’ailleurs, i1 ne se passe littéralement rien durant ce dernier quart d’heure. L’auteur ne fait que prolonger le suspense inutilement. Le saut dans le vide, s’il crée un certain frisson chez le spectateur, n’apporte pas grand chose au récit, sinon de satisfaire la curiosité morbide des spectateurs (dans le film) suspects. [4]
[4] : Léo Bonneville dans Séquences : la revue de cinéma, n° 100, 1980, p. 154 à 156
Récompenses
- Prix d’interprétation à Gaston Lepage au Festival international du film et d’échanges francophones (FIFEF) ; Brest – France 1980
- Génie 1980 des meilleurs costumes donné à Louise Jobin
Résumé
Saint-Canut, au Québec, 22 novembre 1897. Cordélia Poirier, née Viau, rentre chez elle de retour d’un voyage à Saint-Jérôme. N’ayant pas ses clés, elle doit faire appel à l'un de ses voisins nommé Bouvrette pour qu'il entre dans la maison par une fenêtre. Une fois à l'intérieur, M. Bouvrette découvre le corps d'Isidore, le mari de Cordélia, étendu au sol et baignant dans son sang... Cordélia Viau est alors accusée d'avoir assassiné son mari avec l'aide de Samuel Parslow, son amant présumé. Ils furent tous deux exécutés le 10 mars 1899, après un procès truffé d'irrégularités.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Louise Portal (Cordélia Viau) ; Gaston Lepage (Samuel Paslow) ; Raymond Cloutier (Maître Fortier) ; Gilbert Sicotte (Maître Leduc) ; Pierre Gobeil (Isidore Poirier) ; Jean-Louis Roux (Juge Tascherau) ; James Blendick (Radcliff) ; Rolland Bédard (le geôlier) ; Françoise Berd (Mme Parslow) ; Jean Duceppe (Juge Ouimet) ; Jean Gascon (Juge Wurtele) ; Gratien Gelinas (Juge Bosse) ; Henry Ramer (McCasill) ; Marcel Sabourin (Lapointe) ; Olivette Thibault (Mme Bouvrette) ; Claude Gauthier (Curé Pineau) ; Doris Lussier (Juge Blanchet) ; Marc Legault (Connetable Brazeau) ; Serge Theriault (le journaliste Gravel) ; Raymond Bouchard (Procureur Mathieu) ; J. Leo Gagnon (le menuisier) ; Danielle Schneider (Yvette)
Fiche technique
Genre: drame historique - Origine: Québec, 1979 - Durée: 1h56 - Langue V.O.: Français - Visa: Général - Première: NC - Sortie en salles: 7 février 1980 sur un écran à Montréal (Le Dauphin I) - Tournage: du 16 août à fin octobre 1978 à Montréal, Hudson, Vaudreuil, Dorion, Mirabel - Coût: 1,4 M$
Réalisation: Jean Beaudin - Scénario: Jean Beaudin, Marcel Sabourin, d'après La Lampe dans la fenêtre de Pauline Cadieux - Production: Jean-Marc Garand (post-prod.: Roger Frappier, pré-prod.: Jacques Gagné) - Société de production: Office national du film du Canada avec la participation de la Société Radio-Canada - Distribution: Les Films Mutuels (Québec) - Office national du film du Canada (Canada)
Équipe technique - 1er assistant: Jacques W. Benoit - Costumes: Louise Jobin - Conception visuelle: Vianney Gauthier, Denis Boucher - Effets spéciaux: Ron Ottesen - Maquillages: Diane Simard - Mixage: Jean-Pierre Joutel - Montage images: Jean Beaudin – Musique: Maurice Blackburn - Photographie: Pierre Mignot - Son: Jacques Blain
Infos DVD/VOD
Cordélia est disponible en DVD au Québec. Éditeur : ONF (Série Carte blanche - réf. 3-3749) - Format 4/3 - Stéréo - Date de sortie : Novembre 2007 - Code UPC : 619061374939 - Suppléments : aucun