Le diable est parmi nous est un drame d’horreur crédité au cinéaste Jean Beaudin, qui signait là son second long métrage de fiction, après le drame Stop, sorti l’année précédente. Mêlant occultisme et polar classique, le récit tente de nous faire croire à l’enquête d’un journaliste, incarné par Daniel Pilon, bien décidé à faire la lumière sur la mort inexpliquée d’un ami de longue date.
Produit dans le privé, Le diable est parmi nous est à voir comme l’une des nombreuses tentatives de percées commerciales du cinéma canadien, s’appropriant les codes et la grammaire du film de série B pour tenter de rejoindre le plus grand nombre, ici ou à l’étranger. Le sujet ésotérique, très en vogue à l’époque, les vedettes québécoises connues du public, la trame sonore invitante, sans oublier les quelques séquences dénudées, tout est fait pour séduire. Or, le film fut un flop monumental. Sans queue ni tête, Le diable est parmi nous eut une genèse plutôt mouvementée, que son réalisateur a plus souvent qu’autrement refusé de commenter. D’ailleurs sur la copie VHS, sortie en 1984, le scénario du film n’est pas crédité.
D’après les articles de presse de l’époque, la version finale du film serait en fait le remontage d’un pilote intitulé Le pacte qui avait été tourné quelque temps auparavant par Jean Beaudin. Écourté de plusieurs dizaines de minutes, le film aurait eut droit à des scènes retournées, sans l’avis du cinéaste, pour rendre le tout plus alléchant. Voici comment Jean-Pierre Tadros relatait les faits [1] : « Jean Beaudin tourne un film, dont le titre de travail est « Le Pacte », pour le compte de Cinépix, à qui l’on doit “Valérie », “L’Initiation”, “Viens, mon amour », « Pile ou face »… Le budget est fixé à 280 000, et la Société de développement (SDICC) refuse d’investir. Or, lorsque l’on tourne un film de fiction, on tourne beaucoup plus que ce dont on a besoin. Dans ce cas, on aura du 9 pour 1. Avec ce matériel, Jean Beaudin réalise un premier montage qu’il soumet à ses producteurs. D’après Jean Beaudin, c’était là un bon film d’ambiance de série B, rien de plus ; « mais un film, au moins, qui se tenait, qui était cohérent ». Jean Beaudin est cependant toujours à l’emploi de l’ONF, et son congé sans solde vient d’expirer. Il y retourne donc, et ne se préoccupe plus du « Pacte ». Quelque temps plus tard, cependant, il apprend qu’on est en train de faire d’importantes modifications à son film. La raison en est qu’on veut en faire un film exportable! À partir de là, les choses se précipitent, et Jean Beaudin lui-même n’arrive plus à s’y retrouver. 11 avait pressenti François Brault pour composer la musique du film; on engage Cousineau. Le compositeur et le réalisateur ne se rencontreront jamais. Jean Beaudin n’assistera pas plus à la synchronisation ou au mixage du film. Mais ce n’est pas tout. Car l’on ne se contentera pas de couper des passages afin de raccourcir le film, la version originale durant deux heures. Avec le matériel tourné par Jean Beaudin, on va refaire tout simplement un autre film. »
En 1974, Le diable est parmi nous a été présenté à SITGES, l’important festival de cinéma d’horreur qui a lieu en Catalogne. En anglais, son titre est Satan’s Sabbath, The Possession of Virginia ou encore Sensual Sorceress.
[1] Paru dans le quotidien Le Devoir du 14 mars 1972, p. 12
Critiques d’époque
Si ce n’était des incohérences de la fin, des digressions du milieu, en particulier les longueurs du « party”) et des naïvetés sur lesquelles repose en fait tout le scénario, on pourrait à juste titre considérer “Le Diable est parmi nous” comme un honnête thriller québécois. (Texte non signé, La Presse, 18 mars 1972, p. D8)
Sur l’incohérence du montage passons. Cela est un défaut mineur en ragard de l’incongruité des éléments du récit de Jean Beaudin. Il n’est pas besoin d’attendre longttemps [sic] pour voir que ce cinéaste est fasciné par les sciences occultes, par la parapsychologie. Mais l’utilisation qu’il en fait est du dernier crétinisme. D’abord lancée comme une intrigue policière qui recèle des éléments très mystérieux susceptibles d’alimenter un excellent suspense, d’abord filmée avec cohérence, avec un sens certain de la mesure dans l’émotion, cette histoire se termine dans un délire d’événements plus abracadabrant les uns que les autres. (Ghislaine Rheault, Le Soleil, 30 mars 1972, p. 17)
Résumé
Attention, ce qui suit dévoile la totalité de l'intrigue
La vie est un enfer où je passe, où je souffre. La moitié de ce globe a le sceau de Satan.
Le journaliste Paul Drouin apprend avec stupéfaction la mort par défenestration de son ami Jacques Meunier. Intrigué par les conditions improbables de cette mort subite, Drouin débute l'enquête. Il ne tarde pas à faire face à d'étranges phénomènes. D'abord, la mort de son chat (noir) empoisonné, puis, la pendaison (dans une église) de sa petite amie, Virginie (qui était aussi l'amante du défunt). Au cours de l'enquête, Drouin trouve le temps de batifoler avec Hélène, une chanteuse de cabaret dont il s'est amouraché.
Entre deux scènes romantiques, Drouin réalise que la boutique d'antiquités que possédait Jacques (et qui avait été héritée par Virginie pour des raisons inconnues) pourrait bien être le centre névralgique de toutes ces morts. Lesquelles seraient, on s'en doute, sacrificielles. Il en a le coeur net lorsqu'il se rend dans une maison où se tient une cérémonie étrange avec des gens masqués qui mangent du raisin en écoutant un maître satanique "accueillir et initier une postulante" (on découvre que c'est Virginie ressuscitée). Après que cette "héritière d'un monde décadent" ait signé le pacte, elle subit la "consécration vénale". Une danse païenne et lubrique s'ensuit.
Le lendemain, dans son appartement, Paul se réveille. Il se sert un verre de scotch et va à la toilette. Une vieille dame ("grand-mère"), qui était dans sa cambre étendue sur son lit, le surprend le dos tourné et le poignarde sauvagement.
Carton de clôture : "Chaque année des crimes sont commis dont on ne retrouve jamais les auteurs. Ils se promènent anonymes parmi nous. L'année dernière, à Montréal, il y eut 21 meurtres dont on n'a pas retrouvé les coupables. New York 337. À détroit 189. À Los Angeles 83. À Chicago 81. À Londres 18. À Paris non divulgué. À Munich 7".
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Louise Marleau (Hélène), Daniel Pilon (Paul Drouin), Danielle Ouimet (Virginie), Rose-Roy Duzil (la grand-mère), Henri Norbert, Jacques Famery, Armand Labelle, Claude Michaud, Roger Garceau, Michel Dernuet, Michel Maillot
Fiche technique
Genre: drame d'horreur - Origine: Québec, 1972 - Durée: 1h31 - Langue V.O.: Français - Visa: 18 ans et plus - Première: 8 mars 1972 - Sortie en salles: 10 mars 1972 sur 4 écrans à Montréal (Parisien, Midi-Minuit, Versailles, Electra) et 6 en région - Budget approximatif: 400 000 $
Réalisation: Jean Beaudin - Scénario: André Caron, Jean Beaudin (non crédité) - Production: John Dunning, André Link - Producteur délégué: Tolly Leviv - Société de production: Cinépix - Distribution: Cinépix
Équipe technique - Assistant réalisateur: Peter Svatek - Décors: François Delucy - Maquillages: Maureen Sweeney - Montage images: Jacques Jean, Jean Lafleur – Musique: François Cousineau - Chansons: Diane Dufresne sur des paroles de Luc Plamondon et des arrangements musicaux de François Cousineau et Vic Angelino - Photographie: René Verzier - Son: Russ Heise
Infos DVD/VOD
À notre connaissance, Le diable est pami nous n'a jamais été édité en format DVD au Québec et n'est pas numérisé. La VHS avait été éditée par CIC en 1984.