Et du fils est le troisième et dernier long métrage de fiction réalisé en 1971 par Raymond Garceau (1919-1994), après Le grand Rock en 1968 et Vive la France en 1970. Et du fils traite de la difficulté du monde agricole québécois face à la modernisation des cultures et devant résister à l’avidité des spéculateurs fonciers; un thème cher qu’il reprendra dans son documentaire Québec à vendre réalisé pour l’ONF en 1977. Il existe une version doublée en anglais portant le titre In the name of the son.
Peu connu du public, Et du fils n’eut pas une genèse facile. Dans une entrevue accordée à la revue Cinéma Québec à la sortie du film [1], Raymond Garceau expliquait les origines et les difficultés du projet:
Je donne le contrat à Vladimir [Valenta] pour la scénarisation. Je lui fait faire une grande promenade à travers le Québec et le parachute sur l’ÃŽle-aux-Grues, où il a vécu durant quelques semaines dans une famille paysanne. Ce fut une expérience assez unique puisqu’il s’exprimait assez mal en français tout en le comprenait assez bien. Ceci lui permit de saisir une tranche de la vie québécoise que je voulais exprimer dans le film.
Il retourne à Edmonton. La ponte du scénario fut très laborieuse. Valenta écrivait son scénario en tchèque, l’envoyait en Angleterre pour être traduit en français par une parisienne. Quand j’ai reçu le premier scénario, j’ai été obligé de tout refaire les dialogues avant de le présenter au Comité du programme. Je ne voyais pas les gens de l’ÃŽle-aux-Grues parler le parigot. J’exigeais des changements. Là , il écrivait en tchèque, le faisait traduire en anglais, et je faisais les dialogues en français. Une épopée.
Le scénario est alors envoyé dans un ballottage quasi incroyable au Comité du programme [de l’ONF]. Accepté deux fois mais refusé quatre fois. Il serait très pénible pour moi de décrire cette période, car je serais obligé de déterrer tant d’idioties, de méchancetés et d’inaptitude. Je vous en fait… (je garde ça pour mes mémoires).
Et du fils était censé être tourné en 35mm couleur. La nouvelle administration surgit et décide qu’il faut de plus en plus orienter la production vers la télévision et mettre la pédale douce sur les films commerciaux. Je suis la première victime. C’est à prendre ou à laisser. Je fais le film en 16mm, il était censé être d’une durée d’une heure. Avec $125,000, une distribution importante des meilleurs comédiens, je réalise un film d’une heure trente, tourné dans un temps record. Mon budget était de $150,000. Je me disais : si je réussis à tourner mon film pour $125,000 et s’il est question de le souffler en 35mm, on ne pourra pas invoquer la raison monétaire. Durant […] 10 mois, des négociations se poursuivent entre Radio-Canada et le Canal 10. Il a passé à un cheveux de passer à 11h15 une soirée chaude du mois d’août sur CBC.
Mais aux visionnements dans la boîte, le film obtenait beaucoup de succès. Ce n’est pas la raison principale. Mon oncle Antoine avec succès fantastique a fait réfléchir les autorités qui ont soudainement réalisé que l’auditoire des salles c’est le réceptacle naturel pour un long métrage et non le petit écran.
Voilà l’histoire de Et du fils. On m’a averti qu’il n’y avait pas d’argent pour son lancement car ça n’avait pas été prévu. Tout ce que j’espère c’est qu’il demeure dans les salles juste le quart du temps qu’on a pris pour l’y envoyer.
[1] Cinéma Québec, vol. 2 numéro 1 – septembre 1972
Résumé
François Godefroy, fermier notable de l'Île-aux-Grues, enterre sa femme. François est un homme de la terre, respectueux des traditions, bourru et travaillant. À l'approche de la retraite, il aimerait passer la main et transmettre ses terres et sa ferme à Gaston, son seul fils. Mais ce dernier n'a pas l'ardeur et les valeurs de son père. Il passe le plus clair de son temps à flâner avec ses amis Philippe et Noël, à fréquenter les cabarets et les bars. Gaston rêve d'un ailleurs que ne peut lui donner ce rugueux coin de pays.
Pour échapper à ce quotidien lugubre, Gaston convainc Jarka, une jeune danseuse Tchécoslovaque rencontrée dans un club de Montmagny, de venir vivre avec lui sur l'île. De son côté, Philippe se fiance par intérêt avec Antoinette, fille d'une riche famille. Derrière cet arrangement, il y a Noël qui a de nombreuses connaissances et qui voudrait bien mettre la main sur sa part du gâteau.
C'est ainsi que Noël, rancunier de n'avoir pas pu prendre possession du manoir des Godefroy, parvient à persuader Gaston que les valeurs de son père ne sont plus au goût du jour et qu'il ferait mieux de vendre les terres familiales à des investisseurs américains pour y construire des motels et autres attractions à touristes...
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Ovila Légaré (François Godefroy) ; Jacques Godin (Noël Boisjoli) ; Réjean Lefrançois (Gaston Godefroy) ; Maruska Stanková (Jarka, la femme de Gaston) ; Jocelyn Bérubé (Philippe, l'ami de Noël) ; Paule Baillargeon (Antoinette, son amie) ; Denise Morelle et Thérèse Cadorette (invitées à l'exposition du corps) ; Noël Moisan (entrepreneur des pompes funèbres) ; Andrée Boucher (fiancée de Noël) ; Paul Bussières (politicien) ; José Rettino (politicien)
Fiche technique
Genre: Drame - Origine: Québec, ©1971 Images: 16mm, couleurs, 1.375:1 - Durée: 1h23 - Langue V.O.: Français - Visa: Général - Sortie en salles: 22 septembre 1972 - Tournage: L'Isle-aux-Grues (en face de Montmagny) - Budget approximatif: 125 000 $
Réalisation: Raymond Garceau - Scénario: Raymond Garceau, Vladimir Valenta - Production: Pierre Gauvreau - Société de production: Office National du Film du Canada (ONF) - Distribution: France Films
Équipe technique - Décors: Denis Boucher - Mixage: Michel Descombes - Montage sonore: Jacques Jarry - Montage images: Pierre Lemelin – Musique: non crédité - Photographie: Michel Thomas-d'Hoste, André-Luc Dupont - Son: Joseph Champagne
Infos DVD/VOD
Distribué en VHS il y a de nombreuses années, Et du fils n'existe pas en DVD.