Financé par des capitaux privés montréalais et tourné dans les Laurentides au début de 1966, Footsteps In the Snow (Des pas sur la neige en version doublée en français) illustre assez bien les velléités (et les ratés) de la production cinématographique commerciale au Québec dans les années 1960.
Pourtant, lors de l’achèvement de ce suspense policier hivernal, son coproducteur et réalisateur, l’Américain d’origine israélienne Martin Green, ne manquait pas d’enthousiasme. Ainsi, de nombreux articles journalistiques de l’époque relatent sa volonté d’être « le départ d’une industrie du long métrage au Quebec » et mentionnent le contrat qu’il avait signé avec le distributeur américain Allied Artists, dont le président n’était autre que le Québécois Claude Giroux. Promettant au public un film rempli de “Romance, action et mystère” – une recette gagnante « qu’Hollywood ne renierait point » -, ce « premier film canadien en couleurs » destiné à un public de jeunes était promis à un bel avenir.
Hélas, le scénario écrit par Dan Daniels (1921-2001), Montréalais dont la pièce « The Audition » fut primée en 1965 au Festival d’art dramatique, ne fut pas – et de loin – à la hauteur des ambitions. Les critiques ont saccagé son manque d’unité, son doublage exécrable et ses airs de yé-yé insipides. La distribution américaine fut annulée et Footsteps In the Snow (qui semble ne jamais avoir été présenté en version originale anglaise au Québec) est tombé dans l’oubli, entraînant dans sa chute les espoirs de ses producteurs, qui avaient planifié tourner un film sur le site d’Expo 67 l’année suivante. Il n’en fut rien. Au début des années 1980, Martin Green réalisera aux États-Unis un drame d’horreur de série Z, avant de disparaître complètement de la circulation.
Ça fait quinze ans que je n’avais pas fait de cinéma, et je pense que je suis maintenant trop vieille peur jouer les héroïnes éplorées! Dans « Footsteps in the Snow », je suis une femme d’un certain âge, une femme de mon âge. J’espère bien que les producteurs vont voir le film, qu’ils vent se rappeler que j’existe. Ils peuvent même me demander de jouer les grand-mères! (Veronika Lake, entrevue accordée à Danielle Sauvage du Petit Journal, semaine du 27 novembre 1966, p. 42)
Quoi qu’il en soit, le film a la particularité de mettre en vedette la star américaine Veronica Lake, ici dans son pénultième rôle. Visage emblématique du Film Noir hollywoodien des années 1940, Lake, 47 ans, incarne la méchante tante de la jeune Meredith McRae, fille du héros de plusieurs comédies musicales Gordon MacRae. À leurs côtés, on retrouve une pléiade de jeunes acteurs inconnus, ainsi que les comédiens québécois Ernest Guimond (1897-1977, vu dans La vraie nature de Bernadette, La mort d’un bûcheron) et Ovila Légaré (1901-1978, vu dans Le curé de village, Les brûlés et Et du fils), dans le rôle du perspicace inspecteur de police Deschênes.
En dehors d’une version charcutée doublée en allemand, Footsteps In the Snow est aujourd’hui invisible.
Critiques d’époque
On n’a pas beaucoup ri, mais on a bien rigolé ! Il y avait de quoi : sur l’écran du Parisien on présentait « Des pas sur la neige ». De ce film qui ne montre pas trois poils de la queue de l’ombre d’une des qualités qu’il faut avoir pour faire un film, il ne faudrait peut-être rien dire. Mais il faut bien crier son ahurissement, quand même ce ne serait que pour se débarrasser de l’angoisse qu’on ne peut s’empêcher de ressentir quand on voit tant d’argent gâché. Tant d’argent qui en chassera d’autre, qui aurait pu servir à faire les films que nous rêvons toujours de voir se faire un beau jour. (Rudel-Tessier, Photo-Journal, semaine du 2 au 9 novembre 1966, p. 68)
C’est un long, long commercial Pepsi. Voilà ce que c’est quand des messieurs bien intentionnés (?) veulent faire quelque chose de « jeune », et se mettre au niveau de cette génération-là. Ils descendent bien plus bas encore. Si j’étais cette génération-là, je les poursuivrais en justice. 11 ne faut tout de même pas charrier ! On a mis tous les ingrédients des « bikinis, beach parties ». On ne parvient même pas à exprimer la sottise avec naturel. On dit faux, on bouge mal. Le comble, c’est le doublage. Même techniquement, c’est indéfendable. (Michèle Favreau, La Presse, 28 octobre 1966, p. 16)
Résumé
Après la découverte d'un cadavre dans la neige, Lenny et Steve, trafiquants de drogue, sont soupçonnés par la police. Entrevoyant une vie plus stable depuis qu'il s'est entiché de la belle orpheline Henrietta, Lenny essaye de se détacher de l'influence de son copain, pr^t à tout pour sauver sa peau...
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Meredith MacRae (Henrietta), Peter Kastner (Lenny), Veronica Lake (tante d'Henrietta), Gary Plaxton (Steve), Peter Light (Berko), Gloria Carlin (Marie), Melody Greer (Trixie), Ovila Légaré (Sgt. Deschênes), Dan Daniels (Lieut. Bélair), Joe Drblik (Cpt Manchuk), Bill Baily, Nora Johnstone, Ernest Guimond, Jock Fergusson, Marilyn Rosell, Irwing Brownstein, Ruth Sohmer, Marcel Chojnacki, Jim Murray, Wally Martin, Annette Murray, Georges Caron, Diane Richards
Fiche technique
Genre: suspense - Origine: Québec, 1966 - Durée: 1h31 - Langue V.O.: Anglais - Visa: 13 ans et plus - Images: 35mm, couleurs DeLuxe - Tournage: hiver 65-66, à Sainte-Adèle, Boucherville et Montréal - Première: 27 octobre 1966 (Cinéma Parisien) - Sortie en salle: 28 octobre 1966 en version française (Versailles, Granada, Papineau, Rivoli)
Réalisation: Martin Green - Scénario: Dan Daniels - Production: Martin Green - Producteurs associés: Roger Cadieux, Dan Daniels, Guy Desbiens, Dee Wright - Société de production: Evergreen Film Production - Distribution: Phoenix Films
Équipe technique - Maquillages: Jaqueline Bougie - Montage images: André Desbiens – Musique: J.B. and The Playboys (Jaybees), Dan Daniels - Arrangements musicaux: Art Philips - Photographie: Guy Desbiens assisté de Marcel Morisseau