Hygiène sociale est un essai écrit et réalisé par le prolifique Denis Côté, qui signe là son treizième long métrage depuis 2005. Conçu bien avant la pandémie, mais tout à fait intégré à cette nouvelle réalité sociale qu’est la distanciation physique, cette production indépendante à tout petit budget se présente sous la forme d’une suite de tableaux statiques dans lesquels un personnage plutôt antipathique se retrouve confronté par cinq femmes de son entourage. Chaque saynète au décor bucolique est reliée par des interludes dans lesquels on suit une jeune femme cheminant en forêt à la recherche du héros. Outre le brouillage de l’image, déjà expérimenté dans son précédent Wilcox et une trame sonore très travaillée, ce qui pourrait se voir comme une étude des rapports humains est portée par le regard un brin cynique de Denis Côté, qui se traduit par des dialogues acérés. L’humour décalé et quelques références à Bergman ou au métier de cinéaste sont également au rendez-vous.
Hygiène sociale avait remporté ex aequo le prix de la meilleure réalisation de la section « Encounters » lors de la 71e édition de la Berlinale, où il était présenté en première mondiale. Projeté en primeur québécoise aux Rendez-vous Québec Cinéma, cette expérience de cinéma hors norme sort sur quelques écrans le 14 mai 2021.
Entrevue du cinéaste
Un nombre considérable de projets se sont tournés pendant la pandémie. Pensez-vous qu’Hygiène sociale témoigne à sa façon de cette période particulière?
Je ne crois pas. Le film est très anachronique et intemporel. C’est plutôt d’avoir décidé de le faire pendant cette période qui en dit davantage. Il y a une volonté de fuite et de faire échec au réel dans ce film. Ce qui est troublant ou prémonitoire c’est que le scénario s’appelait déjà Hygiène sociale en 2015 et qu’il était déjà convenu que les personnages se parleraient à bonne distance les uns des autres.
Et quelle est justement cette Hygiène sociale? Celle du personnage principal, Antonin?
J’aime le titre. Il est très périphérique. Il parle de l’équilibre de nos relations. On semble lui reprocher beaucoup de choses mais j’aime le côté ‘vivre et laisser vivre’ d’Antonin. Il n’appartient à aucune mode et n’appartient pas à notre époque. Je le vois comme une utopie délinquante. Il ne se soucie ni de bienséance ni du sort du monde. Il refuse un monde mais il aimerait tant en faire partie. J’aime sa dualité, son opiniâtreté. C’est un romantique qui ne trouvera jamais sa place. J’ai l’impression que nous avons besoin d’un dandy insouciant comme lui dans le monde d’aujourd’hui.
Chacune des femmes sur son chemin semble attendre quelque chose, un changement d’attitude, une réorganisation de la relation?
Oui, elles représentent ce qui serait bien. Antonin le sait et se plaît à résister. Elles sont très déçues de lui, avec raison souvent. Elles ont toutes définies un cadre pour lui. Ça me fait rire. Elles savent toutes un peu trop ce qu’elles veulent et perdent patience face au grand coeur adolescent d’Antonin.
Comment avez-vous élaboré ces longs plans fixes et pourquoi user de cette forme?
Je savais que ces échanges seraient un mélange de stoïcisme et de drôlerie improbable. Il me fallait une proposition formelle qui momifierait les joutes oratoires; quelque chose de très figé qui ne guide pas immédiatement la réaction du spectateur. Devant un tableau qui ne force pas immédiatement le regard, il nous faut choisir un point précis à observer. Le tableau se révèle, il devient lentement profond, drôle, triste ou absurde. Le film est très théâtral et figé mais j’aime pensé qu’il dessine un pont vers le langage du cinéma.
Entrevue du cinéaste extraite du dossier de presse fourni par Inspiratrice & commandant
Résumé
Dans un champ, à l'orée d'une dense forêt, Antonin, apprenti-cinéaste, subit les assauts de sa soeur, de sa femme et de sa maîtresse qui lui reprochent tour à tour sa vie de criminel, sa désinvolture ou son manque d'engagement. Ce que ne dément pas Rose, l'employée de Revenu Québec qui n'a qu'une hâte: faire payer le mécréant. Mais qu'importe. Pour ce voleur à la tire dormant dans la Volkswagen de son copain, la vie n'a pas la même valeur que celle que la bienséance voudrait bien qu'on lui accorde. Insensible à la gouaille du malfaisant, Aurore, l'une de ses victimes, lui demande des comptes. Antonin doit encore une fois se sortir de l'ornière.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Maxim Gaudette (Antonin), Larissa Corriveau (Solveig), Eve Duranceau (Cassiopée), Evelyne Rompré (Églantine), Kathleen Fortin (Rose), Éléonore Loiselle (Aurore)
Fiche technique
Genre: essai - Origine: Québec, 2021 - Durée: 1h16 - Langue V.O.: Français - Visa: en attente - Première: Festival international du film de Berlin, février 2021 - Sortie en salles: 14 mai 2021 - Tournage: août 2020 - Budget approximatif: NC
Réalisation: Denis Côté - Scénario: Denis Côté - Production: Denis Côté, Andreas Mendritzki, Annie St-Pierre, Aonan Yang - Sociétés de production: Inspiratrice & Commandant, Greenground Productions avec la participation financière du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) - Distribution: Inspiratrice & commandant
Équipe technique - Affichiste: Miro Denck - Montage images: Nicolas Roy – Musique: Lebanon Hanover ("Kiss Me Until My Lips Fall Off") - Photographie: François Messier-Rheault - Photographe de plateau: Lou Scamble - Son: Jean-François Caissy, Frédéric Cloutier, Clovis Gouaillier