Écrit, produit et réalisé en 1967 par le montréalais diplômé de McGill et d’Oxford Paul Almond, Isabel est le premier volet d’un triptyque, comprenant également The Act of the Heart (1970) et Journey (1972), tous les trois mettant en vedette la comédienne Geneviève Bujold, l’épouse du cinéaste de 1967 à 1973.
Axés sur les luttes intérieures qui animent une jeune femme fragile en pleine quête identitaire, ces trois films constituent une exception notable dans la production québécoise d’alors. Isabel pour sa part, marque un tournant important dans la toute jeune cinématographie canadienne. Il s’agit en effet du premier long métrage canadien à obtenir du financement provenant de sources étrangères, dont entre autres, la compagnie américaine Paramount, qui le distribua aux États-Unis. On peut également affirmer sans trop se tromper que c’est grâce à lui que Geneviève Bujold s’est attiré les faveurs des producteurs à Hollywood, de même qu’il est raisonnable de penser qu’il a été l’un des fleurons de l’industrie cinématographique canadienne d’alors et en a grandement favorisé la reconnaissance au sud de notre frontière.
Le film traite de la peur et de la superstition, de demi-vérités, de la légende et du passé.
– Paul Almond
Tourné à Shigawake en Gaspésie, Isabel relate l’histoire d’une montréalaise qui retourne dans sa région natale pour assister aux funérailles de sa mère. La jeune femme devra surmonter les sombres réminiscences de son passé pour pouvoir réapprendre à vivre et à aimer.
À sa sortie, ce drame sombre et profond a reçu de nombreux éloges critiques à peu près partout où il a été présenté. Souvent comparé aux oeuvres de Resnais ou Bergman (ce qui lui valut aussi d’être qualifié de prétentieux), il a été récompensé par quatre prix au Palmarès du film canadien (Meilleur acteur, Meilleure actrice, Meilleure photographie et Meilleur montage) et a permis à son auteur d’être considéré pour le titre de meilleur réalisateur de l’année par la Directors Guild of America.
Malgré tout cela, cette oeuvre en avance sur son temps est restée longtemps dans l’ombre, ne recevant que peu d’attention de la part des analystes et historiens du cinéma québécois et canadien. Isabel a donc du attendre les années 2000 – alors que son auteur recevait plusieurs prix de carrière – pour être saluée à sa juste valeur et gagner enfin le statut de classique de notre cinéma. Il faut dire qu’à sa sortie, les tourments intérieurs d’une jeune actrice totalement inconnue n’avaient pas vraiment su trouver le succès auprès du public. Qui plus est, il n’y eut jamais d’édition cinéma-maison dans la Province. Une version américaine, écourtée de 8 minutes et en format 4/3, circule sur internet.
Citation extraite d’une entrevue accordée à La Presse, 1 août 1968, p.24
Critique d’époque
Il faut dire que Paul Almond semble décidément bien aimer ce qui est français. Outre Resnais et Godard, il louche du côté des couleurs de Lelouch. Son film est très joli, très velouté. Les objets sont présents, tout comme la nature. Il y a toujours une grande satisfaction à regarder s’éveiller les choses qui semblent mortes. Tout le film d’Almond fait parler ce qui est muet. N’est-ce-pas là une bonne preuve d’un talent de cinéaste? (Jean Basile, Le Devoir, 21 septembre 1968, p.21)
Résumé
Après le décès de sa mère, Isabel se rend en Gaspésie dans la ferme familiale. Les obsèques passées, elle doit maintenant s’occuper de son oncle Matthew et prendre des dispositions d’ordre matériel. Mais elle n'a que deux semaines de congés et devra rentrer à Montréal. Au fur et à mesure qu'elle fouille dans le passé de sa famille, de sombres souvenirs resurgissent: la mort brutale de son père et de son frère, disparus en mer; diverses images de sa mère elle-même.
Par une nuit d'orage, on frappe à la porte de la maison. La jeune fille se retrouve alors nez à nez avec une silhouette qui s'esquive furtivement. Quelques temps plus tard, le jeune homme refait surface. Il se nomme Jason et cherche à acheter les vaches. Elle le reverra à plusieurs reprises, attiré par cet inconnu qui lui rappelle furieusement son frère. Un tendre sentiment commence à éclore.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Geneviève Bujold (Isabel), Marc Strange (Jason), Gerard Parkes (Uncle Matthew), Elton Hayes (Eb), Edie Kerr (Viola), Al Waxman (Herb), Lynden Bechervaise (Herb's friend), Ratch Wallace (Herb's friend), Eric Clavering (postmaster), J. Donald Dow (storekeeper), Rob Hayes (fisherman), Thérèse Cadorette (Sister Estelle)
Fiche technique
Genre: drame psychologique - Origine: Québec, 1968 - Durée: 1h48 - Langue V.O.: Anglais - Visa: 13 ans et plus - Première mondiale: juillet 1968, New York - Première québécoise: 19 septembre 1968 (Cinéma Place Ville-Marie) - Sortie en salles: 20 septembre 1968 (Cinéma Place Ville-Marie), mai 1969 à Paris - Tournage: durant 8 semaines à Shigawake en Gaspésie - Budget: 265 000$ - Coût: 300 000$
Réalisation: Paul Almond - Scénario: Paul Almond - Production: Paul Almond - Producteurs associés: Peter Carter, Joyce Kozy - Société de production: Quest Film Productions - Distribution: Paramount Pictures
Équipe technique - Costumes: Roger Palmer - Maquillage: Michel Deruelle - Montage images: George Appleby – Musique: Harry Freedman - Photographie: Georges Dufaux - Son: Russel Heise
Infos DVD/VOD
Isabel n'a pas été édité en VHS mais a été distribué en format DVD aux États-Unis. Le film n'est cependant pas disponible au Québec en version numérisée.