Rodéo est un road movie coécrit et réalisé par Joëlle Desjardins Paquette. Pour son premier long métrage, la réalisatrice ayant à son actif plusieurs courts remarqués, dont Paparmane en 2012 et Flots gris en 2016, a choisi de camper son récit – en partie puisé à même ses souvenirs d’enfance – dans le milieu des courses de camions. Il y est question d’un homme séparé de sa conjointe qui enlève sa fillette de neuf ans pour l’emmener à l’autre bout du Canada assister à une célèbre compétition motorisée.
Présenté en première mondiale à Cinemania en novembre 2022, le film a par la suite été projeté dans quelques festivals au Canada, dont celui de Whistler, où il a remporté les prix de la Meilleure réalisation, une mention pour Lilou Roy-Lanouette (découverte dans Jouliks) ainsi que le prix du Meilleur film de fiction réalisé par une femme. Rodéo (intitulé Stampede dans sa version internationale) sort en salle le 3 février 2023.
Entrevue avec la réalisatrice
Quelle est la genèse du projet ?
La prémisse du récit m’est assez personnelle. J’ai baigné dans un univers de moteurs et de camions durant mon enfance. Mon père travaille chez Kenworth depuis 50 ans. Chaque été quand j’étais petite, j’assistais fascinée aux courses et aux parades de camions. Dès qu’il le pouvait, il m’amenait sur la route avec lui. J’ai rencontré de nombreux camionneurs qui font ce métier avec tant de passion et qui chérissent le sentiment de liberté que leur procure la route. L’univers du camionnage m’est apparu comme toile de fond idéale pour camper le récit. Cet angle nous a inspirées, ma coscénariste et moi, pour construire le profil de Serge Jr, friand de liberté, refusant les canevas traditionnels.
Et qu’en est-il du thème de la séparation ?
Issue d’une famille reconstituée, ayant vécu la séparation de mes parents à l’âge de huit ans, je me suis souvent retrouvée coincée entre deux réalités parentales. J’ai pu nourrir le film de certains souvenirs, tout en alimentant la charge émotive de Lily dans un contexte plus explosif que le mien. Dans un conflit de séparation, l’enfant tend souvent à prendre le parti du parent qui dénigre ou qui se positionne en victime, sans en réaliser les contrecoups. Avant d’atteindre le stade de l’aliénation parentale, où l’enfant rejette complètement un parent, il y a toute une nuance de gris. Je me suis particulièrement intéressée à ce point de bascule, ce moment précis où un parent sent qu’il commence à perdre le lien avec son enfant. Dans Rodéo, Serge Jr. souffre de l’éloignement de sa fille, au point d’avoir l’idée de se sauver avec elle.
Quel est le lien entre ce film-ci et tes œuvres précédentes ?
J’ai abordé le thème de l’absence sous différents angles dans mes courts métrages. J’ai souhaité approfondir ce thème dans Rodéo à travers le prisme d’un conflit de séparation pour aborder le manque qu’un parent peut vivre malgré toute sa volonté à ne pas rompre le lien filial. Au niveau de la réalisation, j’ai exploré dans mes courts métrages divers univers teintés de réalisme magique, ambiances décalées et compositions de personnages singuliers. Dans Paparmane, un chat dépressif fait écho à l’état émotif du protagoniste du film. Dans Flots gris, un paon errant dans la ville incarne un deuil amoureux. Dans Rodéo, ce sont des bêtes nocturnes qui viennent hanter Serge, témoins de la culpabilité qui le consume au fil du voyage. L’araignée suspendue l’observe. Lily converse par télépathie avec son ancien ami imaginaire, le Sensei Tetsuki.
Comment as-tu abordé les personnages et le travail avec tes acteurs ?
Le personnage de Lily est coincé entre l’arbre et l’écorce dans le conflit de séparation, elle garde tout en elle, tout comme son père, habité d’un amour criant pour elle, mais qui est loin d’être le champion des bonnes décisions. Je tenais à créer un duo abîmé chacun à leur façon par la séparation. Un duo « un peu croche », mais attachant à travers leurs failles. Notre casting s’est déroulé en temps de pandémie, nous avons donc fait la première ronde d’auditions par vidéos. Maxime Le Flaguais s’est démarqué par une proposition coup de cœur, très nuancée, qui s’éloignait des clichés de camionneurs souvent appuyés à l’écran. Pour Lilou Roy-Lanouette, je l’avais en mire depuis ses premiers pas au cinéma dans le film Jouliks (2019). Ce fut un match parfait lorsque Max et Lilou se sont rencontrés. Nous avons travaillé plusieurs mois en amont afin que la relation se construise surtout dans la complicité. Je tenais à ce que les acteurs trouvent leur propre ton ancré dans un milieu modeste, en travaillant les accents et les sonorités avec eux, sans verser dans la caricature.
Extrait de l’entrevue avec la réalisatrice disponible dans le dossier de presse de Rodéo fourni par Entract Films
Résumé
Serge Junior a eu une violente altercation avec le nouveau conjoint de son ex. Résultat sans appel : il a perdu la garde de Lily, leur fillette de 9 ans. Quelques semaines plus tard, l'obstiné paternel revient à la charge et insiste pour voir sa fille. Mais la mère refuse. Serge ne voit d'autre solution que de kidnapper la petite à la sortie de son cours de karaté. Il l'installe dans son camion en lui faisant croire que sa mère est d'accord. Père et fille prennent la route pour l'Alberta, en direction du légendaire Badlands World’s Best Truck Rodeo, une course à laquelle lui et Lily ont tant rêvé. Sur la route, sous le regard de plus en plus inquiet de sa fille, Serge va devoir faire face aux conséquences de son geste.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Maxime Le Flaguais (Serge Jr), Lilou Roy-Lanouette (Lily), Whitney Lafleur (Jess, la mère), Felicia Shulman (Lisa), Hugolin Chevrette-Landesque (Tom), Cédrick Gosselin (Sam), Pierre-Luc Nantel (Alex)
Fiche technique
Genre: drame, road movie - Origine: Québec, 2022 - Durée: 1h21 - Langue V.O.: Français - Visa: Général - Première: Cinemania, 8 novembre 2022 - Sortie en salles: 3 février 2023 - Tournage: 15 août au 15 octobre 2021 - Budget approximatif: NC
Réalisation: Joëlle Desjardins Paquette - Scénario: Joëlle Desjardins Paquette, Sarah Lévesque - Production: Fanny Drew, Sarah Mannering - Société de production: Colonelle Films avec la participation financière de Téléfilm Canada, Fonds Harold Greenberg, crédits d'impôts fédéraux et provinciaux - Distribution: Entract Films
Équipe technique - Costumes: Renée Sawtelle - Direction artistique: Catherine K. Pelletier - Distribution des rôles: Tania Arana - Maquillages et coiffures: Éloïse Bourbeau - Montage images: Véronique Barbe, Elric Robichon – Musique: Serge Nakauchi Pelletier - Photographie: Juliette Lossky - Son: Pablo Villegas, Marie-Pierre Grenier, Bernard Gariépy Strobl