Pourquoi faire vous-même votre montage?
Parce que j’aime ça. On apprend tellement à comprendre le langage du cinéma dans une salle de montage lorsqu’on manipule soi-même le matériel si bien que j’hésite toujours à confier la tâche à quelqu’un d’autre. J’aime me retrouver seul avec mes «rushes». Je me sens possessif. J’aime explorer et essayer des choses auxquelles je n’avais pas pensé. Monter son propre film a de bons et mauvais côtés. C’est très déprimant de toujours voir et revoir les erreurs que l’on a pu commettre. Heureusement, ce n’est rien en comparaison avec le plaisir de voir et revoir les scènes qui «marchent».
Le montage de LISTE NOIRE est très nerveux. Les fondus enchaînés et fondus au noir sont rarement utilisés. Des effets de montage secs et rapides accompagnent parfois les transitions entre les scènes pour donner à la structure générale du film un rythme vigoureux, et laisser le spectateur sur une impression de qui-vive, Les idées de montage me viennent en pré-production, lors du découpage où je me sers, dans 75% des cas, des regards des personnages pour déterminer les coupes. À la fin, je reste assez fidèle à mon découpage.
Comment s’est fait votre travail avec les compositeurs de la musique originale du film?
Je leur ai dit que je voulais quelque chose à la fois simple, classique et moderne. Je leur ai mis la barre haute parce que, sur mon pré-montage, j’avais inséré plusieurs musiques de films déjà existantes composées par Bernard Hermann, Jerry Goldsmith, Trevor Jones, Maurice Jarre, Ennio Moricone, Pino Donagio, et je leur ai dit : «Inspirez-vous de. . . mais soyez original». Ils ont rem-pli le mandat et plus. La musique originale de LISTE NOIRE accompagne l’action, la dramatise, crée de l’ambiance et du suspense, fait peur, ponctue un effet, rappelle un événement ou un personnage. Elle suscite, alimente et dirige l’anticipation. Une vraie musique de film!
Vous semblez très américain dans votre façon de travailler et dans vos références?
Absolument. Mes cinéastes préférés sont américains et mes influences sont d’abord américaines. Donc, c’est sûr que mes films ont quelque chose d’américain. Mais c’est pas forcé, ça, c’est moi! Faire un film, pour moi, cela veut dire, vouloir donner un bon «show». Je m’intéresse au cinéma sous toutes ses formes (cinéphiles un jour, cinéphile toujours). Pour tout dire, je préfère les films de Clint Eastwood aux filins de Marguerite Duras. Le cinéma que je fais, et que je veux faire, va toujours être relativement simple.
Même dans sa forme narrative la plus simple, je trouve que le langage cinématograhique est déjà très complexe. Raconter une histoire en images, par la succession des plans, et non pas à l’intérieur des plans, peut paraître banal et facile à atteindre. Pourtant, cela n’est pas évident! Hitchcock a passé sa vie à expérimenter un genre. C’est probablement l’une des plus belles leçons à tirer de l’Histoire du cinéma. Je relis le livre «HITCHCOCK-TRUFFAUT» avant le tournage de chacun de mes films. Cela me rappelle à chaque fois que la «direction de spectateurs» est aussi importante que la direction d’acteurs.