La diversité sur nos écrans est un sujet dont on parle beaucoup ces temps-ci. Récemment, dans le cadre des RVCQ, une table ronde regroupant plusieurs intervenants du milieu a donné lieu à plusieurs réactions virulentes du public, montrant ainsi tout le chemin qui reste à faire dans ce domaine.
Il est vrai que dans la cinématographie québécoise, du moins dans celle de fiction, les multiples images de la diversité commencent à peine à voir le jour. Depuis Atanarjuat (Zacharias Kunuk, 2001), les inuits et autres premières nations se découvrent progressivement un imaginaire. Car même si les cinéastes impliqués dans ces projets ne viennent pas toujours de ces peuples anciens, le corpus de films offrant un reflet de la vie autochtone offre désormais quelques voix et visages sur des personnages plongés dans des réalités qui leur sont propres.
Pour ne citer que quelques exemples, Before Tomorrow (Cousineau, Ivalu, 2008), Mesnak (Sioui-Durand, 2012), 3 Histoires d’Indiens (Morin, 2014), Rhymes for Young Ghouls (Barnaby, 2014), Maïna de Michel Poulette (2014), Le Dep’ de Sonia Bonspille Boileau (2015), et bientôt Avant les rues, de Chloé Leriche (en salles le 15 avril). Le parcours des communautés inuits et amérindiennes jusqu’à l’écran commence à prendre forme.
Le dernier en date est signé Wiebke von Carolsfeld. Le film The Saver avait été projeté en première québécoise au Festival du Nouveau Cinéma l’an dernier continue sa tournée des festivals internationaux. On le verra prochainement au Cinequest de San Jose, CA, à Green Bay, WI ou à Malmö en Suède, tout ça avant de prendre l’affiche chez nous par l’entremise de la compagnie EyeSteelFilm (normalement le 11 mars).
Tiré d’un roman pour jeunes adultes d’Edeet Ravel, The Saver est un coming-of-age qui relate l’histoire d’une jeune autochtone de 16 ans qui doit se débrouiller seule à Montréal après la mort de sa mère. Produit par Prospector Films (Rhymes…), le film met en vedette la jeune Albertaine Imajyn Cardinal ainsi que plusieurs comédiens reconnus tels que Pascale Bussières, Brandon Oakes, Hamidou Savadogo (Diego Star) ainsi qu’Alexandre Landry, Monia Chokri et Pascale Montpetit.
Un autre exemple de la diversité québécoise à prendre l’affiche prochainement, c’est Montréal la blanche, dont la sortie en salles est prévue pour le 18 mars. En dressant le portrait de deux Algériens marqués par leur passé, le premier long de fiction de Bachir Bensaddek fait partie des rares productions à mettre en avant des communautés immigrantes, principalement montréalaises.
Depuis Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (Jacques W. Benoît, 1988) qui fait figure de précurseur, Haïti, Afrique, Europe, Moyen-Orient, sont présents à très petite dose dans le cinéma québécois. Là aussi, depuis quelques années, la donne est en train de changer. Peu à peu, le grand écran québécois se revêt de couleurs distinctes et de saveurs empreintes à la réalité québécoise, et plus particulièrement celle des métropoles, là où se déroule une bonne part de nos histoires. À Montréal, plus de 30% de la population est issue de l’immigration.
L’ange de goudron de Denis Chouinard (2001), Comment conquérir l’Amérique en une nuit (Laferière, 2004), Sortie 67 de Jephté Bastien (2009), Roméo Onze d’Ivan Grbovic (2011), La ferme des humains (Karaman, 2014), et plus récemment Scratch de Sébastien Godron ou NOIR d’Yves-Christian Fournier et Là où Atilla passe pour ne prendre que ces quelques titres, autant de témoignages de cultures vivantes qui parviennent à leur tour à s’inventer des histoires et des images. Mais dans bien des cas, ces représentations n’échappent pas aux stéréotypes souvent accolés à l’immigration. Les thèmes abordés sont durs (drogue, alcool, gang de rue) et présentent un portrait sombre ou austère des réalités vécues par les nouveaux arrivants. Les personnages sont cantonnés dans des postures délicates (exclusion, criminalité) et leur destin est la plupart du temps marginalisé.
Il est vrai que depuis le tournant des années 2000, on ressent un vent de changement. Il est lent et maladroit, certes, mais indéniable. Cependant, le chemin qui reste à faire est encore important, notamment dans l’acceptation de l’autre et dans la non-stigmatisation des différences. Montrer l’autre en éliminant les stéréotypes, voilà peut-être le grand défi des scénaristes de demain. En souhaitant que les auteurs issus des communautés trouvent des financements adéquats pour leurs projets, ce qui est une tout autre histoire.