Films du Québec

Au fil de l’eau, une chronique douce-amère de Jeannine Gagné (2002) avec Paul Ahmarani et Frédérique Collin. 

Au fil de l’eau de Jeannine Gagné

Dans les bois, au bord de l’eau, quatre hommes et trois femmes sont réunis sur la jetée, se prélassant au soleil. C’est le jour de l’activité pêche. Le lac est gris aujourd’hui… dit Bernard. Il est accompagné de Lara, Michel le plus jeune de tous, Rémi, Fabienne, Simon et Solange. Ensemble ils évoquent des souvenirs d’enfance, Michel fait le pitre, Rémi attrape un poisson…

Entre les bras de cette nature qui semble immuable, nos compagnons de nulle part dérivent de pensées philosophiques en réflexions sur le temps qui passe, sur leurs amours, sur la société ou le mal de vivre de la vieillesse…

Rémi à volé le sifflet du gardien ; maintenant, il se prend pour le chef de bande et déclare l’activité pêche terminée. Chacun fait ce qui veut, même si ça leur tente pas… Mais à cause de ce vol de sifflet, ils pensent qu’ils ne pourront rentrer sans être inquiétés. Ils ont alors l’idée de se construire une cabane pour rester dans le bois. Ramassage de branchages par Bernard et Lara, Rémi fume en cachette une cigarette volée au gardien et Fabienne explore les alentours. Seul, assis sur la mousse Michel contemple la forêt, ramène des champignons et est nommé responsable du ravitaillement par le chef. Mais Bernard est un peu tanné de l’omnipotence du chef et les deux quinquagénaires s’engagent dans une bataille, dont aucun ne sort vainqueur.

Sur la plage Michel écoute Fabienne dire que son neveu voudrait interdire les transports en commun pour les vieux…

Michel : Est-ce que ton neveu c’est le genre à dire que les Noirs sont sympathiques même s’ils sentent fort ou que les homosexuels il a rien contre sauf que c’est pas naturel ?

Fabienne : Comment tu sais ça ?

Michel : Parce que les gens qui ont des théories sur les vieux, ils en ont aussi sur les noirs, les jeunes, les homosexuels…

Rémi revient avec des vers. Sans un mot, Simon construit la cabane. Depuis le départ de sa femme il a perdu la parole… Simon et Solange seuls essayent de se comprendre. En chemin, elle rencontre le groupe qui porte un mur de la cabane… elle réclame le sifflet, mais devant son obstination, le groupe décide de la ligoter et de la garder en otage… Si elle était plus jeune ce serait presque excitant…

Fabienne monte un piège pour le gibier, Rémi, chantonne, la forêt reprend en écho. Simon et Solange restent seuls, à l’écart des autres.

La journée avance, les rêves éveillés continuent, les souvenirs et les regrets aussi. La nuit tombe, ils se couchent sur l’herbe. La peur s’installe… Toi t’aimerais mieux retourner là bas, ou de vivre ici en forêt…?

Au petit matin, l’étrangeté de la nature refait surface. La lumière est indécente ce matin… dit Fabienne en avouant ses rêves érotiques à Rémi, qui, confus, ne sait pas exactement quoi répondre.

Michel dicte un livre qui n’a qu’une page à Lara, il regrette la pauvreté de l’éducation qu’il a reçue et souhaite un jour éblouir son père en écrivant un classique de la littérature. Pendant ce temps, Fabienne se plaint de son manque d’amour et reporte toute la faute sur sa mère…

Sur la jetée, Michel, Lara, Bernard et Rémi se retrouvent. Lara se met à lire le livre imaginaire de Michel. Arrive Fabienne.

Rémi : Silence ! On lit un livre.

Fabienne : Il y a pas de livre ici !.

Lara : Il est dans ma tête.

Michel : Mais c’est moi qui l’ai écrit.

Rémi : C’est très bien, il y a une page.

Fabienne : Une seule page ?

Lara : Oui, mais c’est une très bonne page.

Fabienne : Une page, c’est pas un livre.

Michel : Oh! Arrêtez donc de critiquer!

Fabienne annonce au groupe que Solange et morte… morte de rien. Après l’oraison funéraire, le groupe se rassemble pour parler de cette mort qu’ils voient en face pour la première fois. Ils emporte le corps dans la barque de Simon qui l’emporte avec lui.

Ils se regroupent et récitent chacun leur tour des monologues sur leur vie qui, pour certains d’entre eux, tire à sa fin… À Rémi qui pêche, Fabienne dit on dirait qu’on pêche la morte… Y’a rien au bout du fil lui répond Rémi. Au loin un sifflet se fait entendre, ils plient bagages et reprennent le chemin. Le groupe se retourne (photo) et voit la barque qui dérive lentement sur les eaux calmes. Simon n’est plus là.

Copyright, Charles-Henri Ramond, mars 2009.