Plusieurs générations de spectateurs, ainsi que toute l’industrie cinématographique québécoise, ont perdu hier l’une de ses grandes figures avec la disparition, à l’âge de 87 ans, du producteur Rock Demers. Le public se souviendra de lui comme celui qui a donné ses lettres de noblesse au cinéma jeunesse, notamment grâce aux célèbres « Contes pour tous ». Composée de 24 longs métrages, allant de La guerre des tuques en 1984 à La Gang des hors-la-loi en 2014, en passant par Bach et Bottine (1986), La grenouille et la baleine (1988) ou encore La forteresse suspendue (2001), l’indémodable série connait toujours un grand succès, tant au Canada que partout dans le monde.
S’étalant sur une soixantaine d’années, la carrière de M. Demers est indissociable du développement du cinéma au Québec. Dans les années 1960, il participe à la fondation de la Cinémathèque québécoise et se joint à l’équipe du Festival international du film de Montréal (FFM), dont il a été l’administrateur de 1962 à 1967. Mais le combat de sa vie se joue sur un plan plus créatif et humaniste. Car pour Rock Demers, le septième art n’était pas seulement fait d’histoires mais se devait de transmettre des valeurs positives.
Croyant fermement que le cinéma est un outil peut changer la vie des jeunes en leur fournissant des armes pour combattre les difficultés qui les attendent, il fonde la compagnie Faroun Films qui se spécialise dans la distribution d’oeuvres qui leur sont destinées. Le succès est considérable. Faroun distribuera au total plus de 200 courts et longs métrages venus d’Europe et d’Asie. Quelques années plus tard, il crée le Club Faroun, dont furent membres plusieurs dizaines de milliers d’enfants québécois.
En 1970, il termine la production de Le Martien de Noël qui battait de l’aile. Tourné par Bernard Gosselin avec Marcel Sabourin en vedette, ce qui peut être considéré comme le premier véritable film pour enfants fabriqué au Québec reçoit un accueil chaleureux qui vient confirmer les théories avant-gardistes de son producteur. Il faudra toutefois attendre son départ de chez Faroun pour que la société Les Productions La Fête voit le jour.
En tout, La Fête a produit 31 longs métrages, six séries et une série d’animation, qui ont reçu plus de 250 prix et nominations dans le monde. Cette aventure inédite et sans équivalent dans le monde durera 36 ans, avant d’être transférée au réalisateur Dominic James, nouveau propriétaire depuis 2016.
Au cours de ses longues années d’expérience professionnelle, M. Demers aura oeuvré dans tous les domaines connexes à la création. Il a été producteur de cinéma d’auteur (Le silence des fusils d’Arthur Lamothe, La vie d’un héros de Micheline Lanctôt) et exploitant de salles de cinéma à Montréal. De 1977 à 1979, il a également été président et directeur général de l’Institut québécois du cinéma, l’ancêtre de la SODEC.
Rock Demers est récipiendaire du prix Albert-Tessier (1987) et du prix François-Truffaut décerné par le festival de Giffoni, un événement de renommée internationale dédié au cinéma jeunesse. Il a été reçu au titre d’officier de l’Ordre du Canada et a été fait chevalier des Arts et des Lettres en France.